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La loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a ramené la prescription du titre exécutoire à dix ans.
Cette loi a ajouté un article L.111-4 au Code des procédure civiles d’exécution. Cette prescription de dix ans concerne :
- Les décisions de justice exécutoires et les accords auxquels les juridictions ont conféré force exécutoire ;
- Les actes et jugements étrangers ;
- Les sentences arbitrales exécutoires ;
- Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties.
Cependant ce texte prévoit des exclusions et des exceptions, concernant les titres exécutoires qui n’ont pas une nature judiciaire. Ces titres restent soumis au délai de prescription de la créance qu’ils constatent.
Explications.
La prescription du titre exécutoire : le principe
La nouvelle prescription décennale
Le délai de prescription des titres exécutoires prévus aux 1° à 3° de l’article L.111-3 du Code des procédures civile d’exécution est de dix ans.
Ce délai a été modifié avec la loi précédemment citée du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.
Auparavant, le délai de prescription des titres exécutoires, pour la plupart, était de trente ans. Ce délai s’expliquait par le fait que la prescription du titre était calquée sur celui du droit substantiel, c’est à dire les actions personnelles ou mobilières. En effet, à l’époque, le délai de prescription de droit commun était de trente ans (pour agir, faire constater un droit en justice).
Mais avec la réforme de la prescription de 2008, le délai de prescription du titre exécutoire est passé à dix ans.
Par ailleurs, cette réforme a également touché à la prescription du droit substantiel. Le délai est désormais de cinq ans (délai de prescription de droit commun).
Une distinction est donc faite entre le délai de prescription du titre exécutoire et celui du droit qu’il constate.
Cette distinction s’explique par le fait que le législateur a souhaité instaurer une hiérarchie. Il y a placé au sommet les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif.
En effet, l’exécution d’une décision de justice consiste à donner effet à un titre bénéficiant de l’autorité de la chose jugée. Il ne s’agit pas de donner des droits à des obligations nées de la volonté des parties. Cela, c’est ce que représente la poursuite du droit substantiel. C’est donc la qualité du titre qui permet d’attacher un délai de prescription plus long pour l’exécuter.
Pour autant, l’article L.111-4 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit bien qui si le délai de prescription du droit substantiel est plus long, ce délai bénéficiera également au titre exécutoire. On y reviendra.
L’interruption de la prescription
En contrepartie d’un délai de prescription du titre exécutoire plus court, le législateur a élargi les cas d’interruption.
Selon l’ancien article 2244 du Code civil la signification d’un commandement ou d’une saisie au débiteur interrompait la prescription.
Désormais, la loi prévoit qu’une mesure conservatoire ou un acte d’exécution forcé interrompt le délai de prescription ou de forclusion.
Il s’agit de n’importe quelle mesure conservatoire ou mesure d’exécution. Les effets sont les mêmes, y compris si la mesure n’est pas dirigée contre le débiteur (saisie vente chez un tiers par exemple). En ce sens, la réforme a prévu des garanties pour le créancier.
La saisie attribution est une mesure d’exécution entre les mains d’un tiers. Mais c’est le procès verbal de saisie attribution qui interrompt la prescription, et non la dénonce au débiteur.
Maintenant que nous avons vu le régime général de la prescription des titres exécutoires, voyons les régimes spéciaux.
Le régime spécial de la prescription du titre exécutoire
La prescription des actes notariés
Les actes notariés se prescrivent en même temps que la créance qu’ils constatent.
Mais certains créanciers déjà porteurs d’un acte notarié ont souhaité obtenir un titre judiciaire pour la même créance. Leur volonté était bien évidemment de bénéficier des modalités plus avantageuses de la prescription décennale.
Initialement, la Cour de cassation (arrêt du 16 octobre 2013) a estimé qu’un créancier n’avait pas d’intérêt à agir. S’il disposait d’un acte notarié constatant la même créance, il n’était pas recevable à demander la condamnation de son débiteur. Peu importait que le délai de prescription de cet acte notarié soit de deux ans.
Mais à l’occasion de trois arrêts du 18 févriers 2016 la Deuxième chambre civile de la Cour de cassation a estimé que « l’acte notarié, bien que constituant un titre exécutoire, ne revêt pas les attributs d’un jugement et qu’aune disposition légale ne fait obstacle à ce qu’un créancier dispose de eux titres exécutoires pour la même créance« .
Dans ces arrêts, les demandeurs étaient des établissements bancaires. Ils avaient accordé des crédits à leurs clients par le biais d’actes notariés (le délai de prescription en matière de droit de la consommation est de deux ans).
En obtenant une décision de justice, le créancier bénéficie donc d’un délai de prescription plus long, de dix ans.
En pratique, il n’est pas rare que les Commissaires de justice déposent une requête en injonction de payer pour obtenir la condamnation de locataires indélicats en raison de loyers impayés, alors même que le créancier dispose d’un bail authentique. L’intérêt est de bénéficier d’un délai de prescription plus long, et ainsi de préserver les droits du créancier.
La prescription de l’exécution d’un jugement rendu à l’étranger
Le problème de la prescription du titre exécutoire étranger se pose en matière de condamnation au paiement de pensions alimentaires.
Le titre portant condamnation au paiement d’une pension alimentaire, comme le reste des condamnations, conserve sa valeur pendant dix ans.
Mais il est possible, s’il a été rendu par un tribunal étranger, d’en demander l’exequatur pendant toute la durée de ce délai.
Par ailleurs, si l’arriéré de la pension alimentaire a été capitalisé par la décision de justice initiale, il peut être réclamé dans sa totalité.
Dérogation à la prescription décennale du titre exécutoire
Cette dérogation concerne les titres qui constatent des créances qui se prescrivent par des délais plus longs.
Dans ce cas, il faut appliquer la durée prévue pour le recouvrement de cette créance.
Mais cette dérogation favorable au créancier connait des limites, puisque la prescription de droit commun est de cinq ans.
Cela concerne le droit de propriété. Même si ce droit est imprescriptible, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer.
En outre, l’alinéa 2 de l’article L.111-4 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « le délai mentionné à l’article 2232 du Code civil n’est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa« . Cet article 2232 du Code civil indique pour sa part que « le report du point de départ, la suspension ou l’interruption ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit« .
Ce délai butoir ne s’applique donc pas aux
- Décisions de justice exécutoires et accords auxquels les juridictions ont conféré force exécutoire ;
- Actes et jugements étrangers ;
- Sentences arbitrales exécutoires ;
- Extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties.
Le titre demeure donc valide sans limitation de temps, au delà de vingt ans, si un évènement prévu à l’article 2232 du Code civil a impacté la prescription du titre exécution.
Conclusion
Le titre exécutoire représente le fondement de toute mesure d’exécution forcée. Il a connu une réforme en 2008. Cette réforme est venue réduire le délai de prescription.
Si dans un premier temps nous avons pu penser que cette réforme allait pénaliser le créancier il n’en est rien. Les cas d’interruption et de suspension du délai sont plus nombreux. Le créancier muni d’un titre dont la prescription est plus limitée peut toujours en obtenir un bénéficiant d’une prescription plus longue.