Le concours de la force publique

Le concours de la force publique est accordé par la préfecture pour aider le Commissaire de justice dans l’exécution de ses missions. Ce sont les agents de police ou de gendarmerie qui interviennent face à des débiteurs récalcitrants. Sans ce concours, certaines mesures d’exécution resteraient vaines.

C’est l’article L.153-1 du Code des procédures civiles d’exécution qui prévoit cette intervention. Toutefois, l’octroi de ce concours de la force publique est conditionné, et le préfet peut toujours décider de le refuser.

concours de la force publique

L'octroi du concours de la force publique

Conditions de fonds

La première condition pour que le préfet octroie le concours de la force publique est l’exigence d’un titre exécutoire. Par conséquent, seules les mesures d’exécution forcées peuvent se faire en présence des forces de l’ordre. Ainsi, le concours de la force publique ne peut pas être octroyé dans le cadre de mesures conservatoires.

Enfin, le titre exécutoire doit être adapté à la mesure envisagée. Par exemple, le Commissaire de justice ne peut réaliser une expulsion que sur le fondement de certains titres exécutoires. Ce sont uniquement ces titres qui permettent d’obtenir le concours de la force publique.

Par ailleurs, le Commissaire de justice doit être confronté à une réelle difficulté d’exécution. Une impossibilité d’exécuter ne constitue pas une condition suffisante pour obtenir le concours de la force publique.

Le professionnel doit justifier de diligences préalables pour atteindre son objectif. Ainsi, l’absence de l’occupant d’un local ou son refus d’ouvrir la porte sont insuffisantes pour requérir les forces de l’ordre. L’impossibilité consiste en une résistance active ou un risque sérieux pour la sécurité.

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Souvent, la résistance intervient en cas d’exécution sur la personne. C’est la raison pour laquelle en matière d’expulsion le concours de la force publique est obligatoire.

En pratique, les situations conflictuelles voire risquées surviennent aussi en matière d’exécution sur les biens, et notamment sur les véhicules. Le véhicule est le bien auquel les débiteurs sont le plus attachés. L’opposition du débiteur à l’occasion de cette mesure d’exécution justifie régulièrement de requérir le concours de la force publique. N’oublions pas qu’un véhicule peut rapidement devenir une arme par destination lors de l’exécution.

Conditions de forme

C’est le Commissaire de justice qui demande le concours de la force publique. Il effectue une réquisition auprès du préfet. Cette réquisition contient le dispositif du titre exécutoire. En outre, le Commissaire de justice doit exposer les difficultés qui l’empêchent de procéder à l’exécution.

Le préfet ne porte pas d’appréciation sur la nécessité du concours de la force publique. Le but de cet exposé est de l’éclairer sur les risques de trouble à l’ordre public.

La responsabilité de l'Etat

Lorsqu’il accorde le concours de la force publique, l’Etat engage sa responsabilité. Le débiteur, voire des tiers, peuvent engager la responsabilité de l’Etat selon le régime applicable aux opérations de police administrative.

Toutefois, la personne qui s’estime victime doit prouver une faute lourde de l’Etat. Cette responsabilité peut être engagée en cas de comportement abusif des agents de la force publique.

Le refus du concours de la force publique

L'ordre public

C’est le préfet qui apprécie l’opportunité du concours sollicité. Il peut le refuser pour deux motifs, même si les conditions pour l’octroyer sont remplies.

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Le premier motif tient à l’existence d’un risque de troubles graves à l’ordre public. Le second motif tient à la survenance de circonstances extérieures à la décision entrainant une atteinte à la dignité de la personne humaine. Ce motif concerne principalement les expulsions.

Le refus peut être express ou tacite. Il s’agit d’un acte administratif, qui peut être licite ou illicite. Dans tous les cas, la responsabilité de l’Etat peut être engagée.

Le refus exprès ou tacite

Le refus exprès doit être notifié dans les deux mois de la réquisition. S’agissant d’une décision administrative faisant grief, ce refus doit être motivé.

A défaut de réponse dans le délai de deux mois, le silence de l’administration vaut refus tacite. Dans cette hypothèse, l’administration ne motive pas sa décision. Pour autant, le créancier peut demander les motifs de ce refus. L’administration doit alors les justifier dans le mois de la demande. A défaut de réponse, la décision implicite est entachée d’illégalité.

Quoi qu’il en soit, qu’elle soit tacite ou exprès, le Commissaire de justice doit informer le créancier de cette décision.

Le refus illicite

En matière administrative, la décision peut être entachée d’illicéité pour des motifs de légalité externe ou interne. Dans le cas d’une illégalité interne, il peut s’agir d’un manquement aux conditions légales ou une appréciation erronée des nécessités de l’ordre public.

Dans toutes les hypothèses, le créancier peut former un recours pour excès de pouvoir. Ce recours vise à obtenir l’annulation du refus et une injonction au préfet de prêter le concours de la force publique. En outre, il peut solliciter la condamnation de l’Etat à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Mais il peut aussi simplement mettre en cause la responsabilité sans faute de l’Etat.

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Le refus licite

Lorsque l’Etat refuse de prêter son concours, il est tenu à réparation. Mais cette réparation ne s’obtient que dans certains cas :

  • Il s’agit d’une responsabilité sans faute, fondée sur le principe d’égalité de tous les citoyens devant les charges publiques. Cela signifie que le créancier n’a pas à démontrer une faute de l’administration. Mais si cette faute existe, la responsabilité peut être engagée (tel est le cas si le refus est illicite) ;
  • Elle peut être engagée dès l’expiration du délai de deux mois courant à compter de la réquisition du Commissaire de justice. En effet, le silence gardé par le préfet vaut refus. Si le concours est accordé postérieurement, le créancier peut demander une indemnisation pour ce retard ;
  • L’indemnisation doit couvrir l’intégralité du préjudice subi. En théorie, en matière d’expulsion, en cas de refus d’octroi du concours de la force publique, l’indemnisation doit correspondre au moins à la perte de loyers subie à compter du refus. En pratique, la préfecture fait souvent une proposition au créancier, correspondant à environ 70-80% de la perte des loyers. Si le propriétaire refuse cette proposition, il doit former un recours contre cette décision ;
  • Le tribunal compétent pour statuer sur cette demande d’indemnisation est le tribunal administratif dans le ressort duquel siège le préfet. Mais ce recours doit être précédé d’une demande préalable à l’administration ;
  • L’indemnisation par l’Etat ne l’exonère pas de sa responsabilité. En effet la Cour européenne des droits de l’Homme considère que l’Etat doit agir pour parvenir à l’exécution d’une décision de justice dans un délai raisonnable. Enfin, le Conseil d’Etat considère qu’en cas de premier refus par le préfet, l’Etat doit accomplir les diligences nécessaires pour rechercher toute mesure de nature à mettre fin à l’inexécution de la décision.

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