L’article 215 du Code civil consacre la communauté de vie des époux. Il s’agit d’un article important en matière de droit de la famille. Il dispose :
“Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie.
La résidence de la famille est au lieu qu’ils choisissent d’un commun accord.
Les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation : l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est dissous.”
Cet article prévoit la communauté de vie pour le couple marié. Il s’agit d’une des obligations fondamentales des époux. Par extension, la loi prévoit donc une protection du logement de la famille.
Cette protection empêche à chaque époux de passer un acte menaçant la stabilité de la résidence de la famille sans le consentement de l’autre époux.
Cette règle concerne tout logement familial. C’est ce que prévoit le 3e alinéa de l’article 215 du Code civil.
La protection de tout le logement familial
Le domaine de protection de l’article 215 du Code civil
Les biens protégés
Selon le Code civil, le logement familial est le lieu qui abrite la communauté de vie des époux. C’est le lieu choisi d’un commun accord par le couple marié.
Il existe une distinction entre le logement de la famille et le domicile conjugal.
Le domicile conjugal est le lieu où se trouve la résidence principale des époux.
La résidence secondaire et le logement de fonction ne bénéficient pas de cette protection.
Accorder au logement fonction la protection du logement familial reviendrait à soumettre ce logement aux conditions du contrat de travail de l’un des époux. En cas de rupture de ce contrat de travail, la protection serait largement atteinte.
Toutefois, si le couple marié ne se met pas d’accord pour désigner leur logement familial, le juge doit considérer les époux comme en séparation de fait. Mais cette séparation de fait ne porte pas atteinte à la protection du logement de la famille.
Ainsi, les dispositions de l’article 215 du Code civil persistent pendant toute la procédure de divorce. La protection prend fin lorsque la décision prononçant la dissolution du mariage devient définitive.
Cette solution s’explique par le fait qu’il faille maintenir la protection du logement même si l’un seulement des époux reste dans le logement. Il ne serait pas opportun de mettre fin à la protection légale si un conjoint abandonne le logement familial, notamment en présence d’enfants.
Mais cette solution vaut également même si les deux époux ont quitté le lieu désigné comme logement familial.
Par extension, les meubles meublants présents au sein du logement familial entrent dans le champ d’application de l’article 215 du Code civil.
Les droits protégés
L’article 215 du Code civil protège les droits réels, c’est à dire la pleine propriété ou ses démembrements tel que l’usufruit, le droit d’usage et même les droits personnels comme le droit au bail.
Ces dispositions sont d’ordre public. Peu importe le régime matrimonial choisi par les époux, ces dispositions s’imposent ( régime légal, conventionnel, communautaire, séparatiste).
Dans ce cas, c’est la cogestion qui s’impose (Article 1424 du Code civil).
Mis il arrive qu’un seul époux soit titulaire de ces droits. C’est le cas par exemple lorsque le bien immobilier désigné comme logement familial a été acquis avant le mariage.
Il s’agit alors d’un bien propre. Le conjoint non titulaire du droit doit valider l’acte et donner son accord. L’époux propriétaire du bien ne peut plus agir seul.
Il existe une particularité lorsque le logement familial appartient à une SCI (société civile immobilière), dont l’un au moins des époux est associé.
Dans cette situation, le conjoint associé doit être autorisé à établir son logement familial dans cet immeuble par ses associés. A défaut, le logement ne sera pas considéré comme logement familial, et ne bénéficiera donc pas de la protection de l’article 215 du Code civil.
Les actes concernés
Même si l’article 215 du Code civil ne vise que les actes de disposition (vente, échange, donation), la jurisprudence a étendu la protection aux “actes emportant disposition des droits assurant le logement de la famille, dans un arrêt du 16 mai 2000 rendu par la Cour de Cassation.
Cela concerne les actes suivants :
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Le mandat de vente
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Le compromis de vente
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La constitution d’un usufruit
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La constitution d’un droit d’usage et d’habitation
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La conclusion d’un bail
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L’inscription d’une hypothèque
Mais l’article 215 du Code civil ne s’oppose pas aux droits des tiers, et notamment ceux des créanciers.
En effet, les créanciers d’un époux peuvent saisir le bien, le faire vendre aux enchères et se payer sur le prix de vente. Le logement familial est donc saisissable.
En outre, les créanciers de l’indivision et ceux dont la créance est née de l’indivision peuvent être payés sur l’actif indivis avant le partage. Cette situation concerne les époux séparés mais non encore divorcés. Dans ce cas, les créanciers peuvent saisir et faire vendre le bien indivis. C’est ce que prévoit l’article 815-17 alinéa 1er du Code civil.
Par contre, les créanciers des indivisaires, eux, ne peuvent pas saisir directement le bien. Ils ne peuvent que provoquer le partage pour ensuite obtenir le paiement sur le bien.
Enfin, si les époux constituent aux même une personnalité morale propriétaire du logement, telle une SCI dont les deux époux seraient propriétaires, les créanciers personnels des indivisaires ne peuvent procéder qu’à la saisie des parts sociales. Ils ne peuvent pas saisir et faire vendre directement l’immeuble.
Les effets de la protection de l’article 215 du Code civil
La loi prévoit la cogestion du logement familial, même si le bien n’est la propriété que d’un seul des époux. Le propriétaire doit obtenir l’accord de son conjoint sur les actes de disposition qui concernent le logement familial. Il ne peut agir que part une co-décision des deux époux.
Le texte ne prévoit pas de formalisme. Il doit seulement être certain. L’écrit n’est pas obligatoire.
L’autorisation du conjoint concerne également les meubles meublants garnissant le logement familial.
Mais il se peut que l’un des époux soit hors d’état de manifester sa volonté, ou refuse de donner son accord dans un but contraire aux intérêts de la famille.
Dans ce cas, le titulaire des droits sur l’immeuble peut demander une autorisation judiciaire. Le juge peut lui permettre de conclure seul l’acte de disposition sur le logement de la famille. C’est ce que prévoit l’article 217 du Code civil.
La sanction du défaut d’autorisation du conjoint est la nullité de l’acte.
L’action en nullité est accordée au conjoint qui n’a pas donné son accord.
Le délai de prescription est d’une année à compter du jour où il en a eu connaissance. Mais cette action ne peut être intentée plus d’un an après la date de dissolution du régime matrimonial.
La protection du logement familial loué
La cotitularité du droit au bail
Le bail est réputé appartenir aux deux époux à condition qu’il n’ait pas de caractère professionnel et qu’il serve effectivement à l’habitation des époux. C’est ce que prévoit l’article 1751 du Code civil.
Il doit cependant exister une cohabitation entre les époux. Mais le départ d’un époux du logement loué n’entraine pas la fin du droit au bail.
Par ailleurs, le seul mariage entraine la cotitularité du bail, et ainsi la protection de la maison abritant le foyer. Cependant, les notifications du bailleur à l’un seulement des époux est valable dès lors qu’ils n’ont pas déclaré leur mariage au propriétaire.
C’est aux époux de rapporter la preuve d’un acte positif d’information au bailleur. Concrètement, cela signifie que si les locataires n’ont pas averti leur propriétaire de leur mariage, le congé délivré ou la procédure d’expulsion initiée par le propriétaire au seul époux signataire du bail est opposable à son conjoint.
Par ailleurs, le congé donné par un des époux seulement ne remet pas en cause les droits de son conjoint sur le logement familial. Il demeure titulaire du droit au bail et peut se maintenir dans les lieux.
L’autre effet de la cotitularité du bail est que le propriétaire doit délivrer un congé à chaque époux si les deux sont signataires.
Enfin, même après la délivrance d’un congé par un des époux, celui-ci reste solidairement tenu au paiement des loyers, jusqu’au jour de la transcription du jugement de divorce sur les actes d’état civil.
Le transfert du droit au bail
En cas de divorce ou de séparation de corps, le droit au bail dont les époux étaient cotitulaires peut être attribué à l’un des époux par la juridiction saisie de la demande de divorce ou de séparation de corps. C’est ce que prévoit l’article 1751 alinéa 2 du Code civil.
Si le logement ne répond pas aux conditions du 1er alinéa de cet article, le conjoint du titulaire du bail ne bénéficie pas de la cotitularité. Mais la protection l’article 14 de la loi du 6 juillet 1989 prend le relai. En effet, cet article prévoit qu’en cas de décès du locataire ou d’abandon de domicile, le bail est transféré ou maintenu au bénéfice du conjoint.
En cas de départ de l’époux titulaire du bail, auparavant la jurisprudence exigeait un départ “brusque et imprévisible” pour que le transfert du droit au bail s’opère. Désormais la Cour de cassation n’exige plus qu’un “départ définitif”. Le départ doit être un abandon sans retour par le preneur, même si cet abandon a été progressivement programmé.