La cession de créance

La cession de créance est le contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé, à un tiers appelé le cessionnaire. C’est la définition donnée par l’article 1321 du Code civil. On parle également de transport de créance. Cette pratique consiste à substituer un créancier à un autre.

Les différents types de cessions de créance

En pratique, on envisage la cession de créance comme une vente, un mode de donation, un mode de paiement voire une sûreté.

La cession de créance assimilée à une vente

Il existe deux cas de figue dans lesquels la cession de créance est conçue comme une vente.

Exemples :

1°) A cède à C une créance à terme qu’il détient sur B. B doit payer sa créance dans un mois mais A a besoin de liquidités rapidement.

2°) B refuse de payer sa dette à A mais A ne veut pas supporter une procédure d’exécution.

Quel est l’intérêt de la cession de créance ?

  • Pour le cédant : c’est d’obtenir des liquidités rapidement ou de se débarrasser d’un débiteur récalcitrant.
  • Pour le cessionnaire (l’acquéreur):
    • Soit de rendre service au cédant. Dans ce cas il achète la créance à sa valeur nominale et c’est une cession à titre gratuit.
    • Soit faire une plus value, en rachetant la créance à titre onéreux à un prix inférieur à sa valeur. Exemple : Monsieur X possède une créance de 1 000 euros sur Monsieur Y. Mais Monsieur Y ne s’exécute pas. Si Monsieur X a besoin d’argent dans l’immédiat, il peut céder sa créance à Monsieur Z. Mais Monsieur Z n’est pas assuré d’être payé des 1 000 euros dus par Monsieur Y. La créance est alors cédée pour 900 euros. Si Monsieur Z parvient à obtenir le paiement par Monsieur Y, il gagne 100 euros.

La cession de créance assimilée à une donation

La cession de créance est assimilée à une donation lorsque le titulaire d’une créance la cède à titre gratuit à un tiers. Cela équivaut purement et simplement à une donation d’une somme d’argent.

La cession de créance assimilée à un paiement

La cession de créance est assimilée à un paiement lorsqu’il existe une dette réciproque. Lorsque A doit de l’argent à B, mais que C doit de l’argent à A, alors A peut céder sa créance qu’il possède sur C à B. La créance est cédée à titre temporaire et sans contrepartie. Dès que C aura payé, B restitue sa créance à A. Par contre, si C ne paie pas, B conserve la créance.

triangle de cession de créance

Les conditions de la cession de créance

Les conditions de validité

Formellement, la cession de créance se concrétise par une convention conclue entre les cédant et le cessionnaire, constaté par écrit, à peine de nullité. C’est ce que prévoit l’article 1322 du Code civil. La personne faisant l’objet de la cession ne participe pas à l’acte. Il n’est pas sollicité, et son accord n’est pas nécessaire. Une exception existe toutefois si la créance est stipulée non cessible. Dans ce cas, le cédé doit donner son consentement.

En principe, il est possible de céder n’importe quelle créance. Il peut s’agir d’une somme d’argent ou d’une prestation de service. La créance peut être actuelle ou future, déterminée ou déterminable. Il est même possible de céder une créance litigieuse.

Toutefois, le droit des contrats permet à certaines créances d’être déclarées incessibles. L’incessibilité peut être totale. C’est le cas des créances alimentaires. L’incessibilité peut aussi être partielle. Ce cas de figure concerne les salaires. En effet, le Code du travail, en ses articles L.3252-2 et suivants prévoient qu’un minimum vital doit être laissé au débiteur.

Les conditions d’opposabilité

Nous l’avons vu, l’échange des consentements des parties suffit à rendre valable la cession de créance. Mais cet échange ne permet pas à la cession de créance de produire ses effets. En effet, la conséquence de la cession de créance est de rendre le cédé redevable à l’égard du nouveau créancier. Or, le principe de l’effet relatif des contrats fait du tiers débiteur de la créance un tiers à la cession de créance. Ainsi, pour que cette cession lui soit opposable, la cession de créance doit faire l’objet d’une publicité. Cela s’explique par le fait qu’il est indispensable pour lui de savoir à qui il doit régler sa dette. Deux cas de figures sont possibles :

  • Le cédé n’a pas participé à la cession de créance : elle doit lui être notifiée. Depuis la réforme des contrats de 2016, le signification de la cession de créance n’est plus exigée. Cette notification peut être de l’initiative du cédant ou du cessionnaire.
  • Le cédé prend acte de cette cession : il reconnait avoir été informé.

Toutefois, le débiteur peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il aurait pu opposer au créancier initial. Cela concerne les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution ou la compensation des dettes connexes. Ces exceptions concernent également celles qui sont nées des rapports avec le cédant avant que la cession lui soit devenue opposable. Il s’agit de l’octroi d’un terme, de la remise de dette ou la compensation de dettes non connexes.

Exemple :

Il est de plus en plus fréquent qu’à la suite d’un sinistre automobile, les garages qui réalisent les travaux sur un véhicule acquièrent la créance de l’assuré auprès de la compagnie d’assurance. Lors de cette cession de créance, la compagnie d’assurance oppose la franchise au garage. La créance du garage est donc amputée du montant de cette franchise.

Enfin, à l’égard des tiers, la cession de créance conclue par acte sous signatures privées ne produit aucun effet. Elle ne leur est donc pas opposable

Les effets de la cession de créance

Les effets à l’égard des parties

La transmission de la créance

L’effet premier de la cession de créance est que le cessionnaire se substitue au cédant pour le montant de la créance. Concernant la créance en elle-même, sa cession n’a aucun effet. Il n’y a aucune extinction, création ni modification. Elle est transmise avec tous ses accessoires, et le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions de cette créance. C’est ce que prévoit l’article 1321 alinéa 2 du Code civil.

Toutefois, certains éléments factuels peuvent modifier le régime de l’obligation. Cela concerne en premier lieu la prescription. En effet, si le cédant d’une créance est mineur, la prescription est suspendue jusqu’à sa majorité. Mais si le cessionnaire est majeur, alors la prescription se met à courir. Et inversement, si c’est le cessionnaire qui est mineur, la prescription se suspend jusqu’à sa majorité.

Il existe également un régime particulier quant à l’opposabilité de l’exception de compensation. Pour rappel, la compensation est l’extinction de deux dettes réciproques jusqu’à concurrence de la plus faible. Si le débiteur a pris acte de la cession de créance, alors il ne peut plus opposer cette compensation au cessionnaire, qu’il aurait pu opposer au cédant. S’il participe à cette cession, cela signifie qu’il renonce à la compensation. Cependant, si le débiteur n’a pas pris acte de la cession, et que celle-ci lui a simplement été notifiée, dans ce cas il peut opposer la compensation au cessionnaire.

L’obligation de garantie

Le cédant est tenu à une garantie légale envers le cessionnaire si la cession de créance est réalisée à titre onéreux. Il doit garantir l’existence de la créance et de ses accessoires, sauf si le cessionnaire l’a acquise à ses risques et périls ou s’il connaissait son caractère incertain. Cette obligation signifie que si la créance n’a jamais existé ou est nulle, le cédant doit rembourser le prix. Il peut, en outre, être condamné à verser des dommages et intérêts. Le cessionnaire est alors gagnant, puisqu’il peut obtenir plus que ce qu’il pouvait prétendre avec l’opération initiale.

Mais si la créance est bien réelle, par principe, le cédant n’a aucune obligation concernant la solvabilité du débiteur. Mais le contrat de cession de créance peut y déroger, et le cédant peut s’engager à garantir la solvabilité actuelle voire future jusqu’à l’échéance de la créance. La cession de créance peut alors prévoir plusieurs clauses, à savoir la clause extensive de garantie, la clause restrictive de garantie, la clause exclusive de garantie.

Les effets à l’égard du débiteur

C’est sa notification ou son acceptation qui a pour effet de rendre opposable au débiteur la cession de créance. Avant cette formalité, la cession ne lui est pas opposable. Il n’est qu’un tiers au contrat. Dans ce cas, s’il paie le cédant, sa dette est éteinte. Toutefois, s’il est informé de façon non officielle de la cession de créance et qu’il paie le cessionnaire, la Cour de cassation estime que le paiement est valable. Cela équivaut à une acceptation de la cession.

La notification de la cession de créance est très largement initiée par le cessionnaire.

Dès que le débiteur a accepté la cession ou qu’elle a été notifiée, il doit s’exécuter au profit du cessionnaire. Il est possible, dans le contrat initial entre le débiteur et le cédant, d’insérer une clause d’autorisation de cession ou d’agrément du cessionnaire. Cela permet au débiteur d’éviter d’avoir un créancier peut être moins compréhensif que le créancier initial.

Les effets à l’égard des autres tiers

Les tiers au contrat sont prévus par l’article 1690 du Code civil. La jurisprudence a précisé qui ne sont pas tiers au contrat. Il s’agit des personnes qui, “n’ayant pas été partie à la cession, ont intérêt à ce que le cédant soit encore créancier”.

La première catégorie de personnes qui ne sont pas des tiers sont les créanciers du cédant. Ce n’est que la publicité de la cession qui rend opposable la cession de créance. Tant que cette publicité n’est pas effectuée, les créanciers du cédant peuvent considérer que la créance est toujours dans le patrimoine de leur débiteur, et peuvent le poursuivre.

Concernant les créanciers du cessionnaire, ils peuvent considérer le cessionnaire comme titulaire de la créance même si la signification n’a pas encore eu lieu.

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